Jus de cervelle

Disparition d’Emmanuel Delavenne

Cofondateur des hôtels Amour et inspirateur des « chambres de style » du Fooding, Emmanuel Delavenne est décédé sans prévenir le 18 décembre dernier. Il était devenu ces dernières années un ami très cher du fondateur du Fooding (et dirigeant jusqu’en 2021), qui lui rend ce bref hommage.

  • Date de publication
  • par
    Alexandre Cammas
  • partager

Emmanuel Delavenne

© Noémie Cédille

Quel sens donner à la disparition brutale d’Emmanuel, le 18 décembre 2024, lui qui aura passé sa vie à chercher le sens en tout ou à en donner quand il faisait défaut ?
Lui qui pouvait débattre avec passion de la qualité des brosses à dents offertes aux client·es dans ses hôtels, les brosses à dents Inava qu’il avait mis des semaines, des mois, à négocier pour en obtenir un stock, alors que la plupart des hôtelier·ères s’en brossent.
Lui qui pouvait t’expliquer pourquoi cette paire de gants, pourquoi ce vélo électrique, pourquoi cette pissaladière, pourquoi cet album, cette faïence, cette photo, cette étagère, cette couleur, cette vente Drouot, cette bière non filtrée, ce vin nature, cette destination africaine…
Et ces t-shirts japonais tubulaires, on en parle ? « Tissés d’une seule pièce, sans couture latérale, pour ne pas vriller dans le temps : les meilleurs t-shirts du monde mon pote ! » À te filer la honte d’avoir choisi les tiens juste pour la couleur…
Lui qui, avec Mélanie, était si fier et tellement heureux d’envoyer Ava Allez-tous-vous-faire-mettre en stage d’observation chez Chanel, il y a quelques semaines, tout en s’interrogeant sans discontinuer, avant, pendant et après, sur la pertinence qu’il pouvait y avoir à rendre la vie trop facile à ses enfants.
Et puis, lui encore, qui admettait que sur certains sujets, il préférait ne pas la ramener, ne s’étant pas assez questionné, renseigné, n’ayant pas le temps, n’ayant pas eu le temps… À quoi bon l’ouvrir si c’est pour ne rien dire d’assez intelligent ? Autant s’effacer, écouter les autres, les assurer de votre attention, saluer une idée… Ne jamais liker et, tant qu’à faire, rester à l’écart de l’émoticonnerie.

Alors forcément, nous faire ce coup de la disparition insensée, ça ne cadre pas avec le success plan du garçon.

Car oui, Emmanuel a rencontré le succès avec ces hôtels Amour, suprême idée de ses amis et partenaires, Thierry* et André**, la sienne aussi évidemment, qu’il a portée avec l’épaule de l’un et la patte de l’autre, et avec leur confiance, à des hauteurs inespérées.
Sans doute la catégorie « chambres de style » n’aurait-elle jamais vu le jour ni la nuit sans lui, et sans l’ouverture du premier Hôtel Amour en 2006.
Discret, anxieux, timide, classieux, bien trop gentil pour un dandy, Emmanuel nous quitte au moment où, sans doute, il commençait à avoir confiance en lui, en ses talents et ses visions ; au moment où il commençait à comprendre le sens de ses réussites… Au moment où, d’ailleurs, il devenait encore plus beau, constat unanime, validé par des filles et des garçons, quelques jours avant sa mort, à l’occasion de l’annif de Steve.

Hélas, le sens fait aussi fausse route parfois… et c’est donc à nous, ses intimes, de dire à sa fille Ava, et de rappeler à son grand amour, Mélanie, qui le sait déjà et l’a sans doute toujours su, bien avant tout le monde, qu’Emmanuel, tout à la fois compagnon, père, ami, fils, frère, patron… n’était pas un hôtelier-restaurateur. Qu’Emmanuel était un créateur, un immense DA, un sculpteur d’atmosphères, un remarquable auteur de menus-cartes, un illusionniste de la fête, un compositeur de souvenirs pour la vie. Un chef d’orchestre génial à la tête d’un orchestre exceptionnel.

Et alors ?…

Que fait-on quand les artistes s’apprêtent à quitter la scène ?

On les applaudit debout.

Et plus fort encore si l’on rêve tous ensemble qu’Emma nous entende dans le cockpit.

Alexandre Cammas

* Thierry Costes
** André Saraiva

  • partager
Le nouveau guide France est enfin disponible !

Retrouvez dans cette édition brûlante les 350 nouvelles adresses qui vont faire l’année 2025 partout en France, mais aussi notre palmarès toujours très attendu, une partie mag sous bannière « oui oui baguette » pour décortiquer ce qui fait la France d’aujourd’hui, et même un supplément cool kids friendly.

Couverture du nouveau guide France.
Je le veux !
À propos

Le Fooding est un guide indépendant de restaurants, chambres, bars, caves et commerces qui font et défont le « goût de l’époque » en France et en Belgique. Mais pas que ! C’est aussi un magazine où food et société s’installent à la même table, des événements gastronokifs, une agence événementielle, consulting et contenus qui a plus d’un tour dans son sac de courses…

Fooding® est une marque déposée.