Trouble Obsessionnel Culinaire

Traité cochon à l’usage des saucissophiles

Tout, tout, tout, vous saurez tout sur les obsessions culinaires, passions de saison, tics et TOC de bouche qui obsèdent la foufood, grâce au savoir encycoolpédique de nos expert·e·s.

  • Date de publication
  • par
    Elisabeth Debourse
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© Laëtitia Visse

Cette semaine, pour décortiquer le vice de la saucisse, on a interrogé Laëtitia Visse, cheffe de La Femme du Boucher à Marseille et grande mage de l’embossage – l’art délicat de la mise en boyau. Prêt·e·s ? Ça va charcuter !

Saucisse, saucisson, boudin… C’est quoi la différence ?
La saucisse est composée essentiellement de viande et d’épices, qu’on glisse dans un boyau. On la cuit au barbecue ou à la poêle, après l’avoir éventuellement fumée – même si généralement, un passage au barbecue suffit à lui donner ce petit goût fumé qu’on aime tant. Le saucisson, lui, est cuit à l’étuvée, parfois refroidi dans un bouillon, comme le saucisson à l’ail, puis séché. Il peut être également fumé. Le boudin noir, c’est encore autre chose : il s’agit d’une préparation à base de sang et de chair de porc. Moi, je le prépare avec du saindoux, des poireaux, des oignons, de l’ail, du sang et des morceaux de porc tels que la poitrine, l’épaule, la gorge ou la tête.

Rentrons dans le vif de la saucisse : comment prépare-t-on ces cochonneries, au juste ?
On commence par hacher la viande, en faisant attention à la proportion de maigre et de gras. Évidemment, tout réside dans la qualité de la viande : il faut choisir une super matière première, car la saucisse ne supporte pas la médiocrité. Moi, j’aime hacher à la grosse grille, pour garder de la mâche. Ensuite, il y a l’assaisonnement, une étape hyper importante. Trop de sel ou d’épices, et vos efforts seront réduits à néant… Alors, faites confiance à votre balance ! Dernière étape : l’embossage. On rince d’abord le boyau à l’eau, on fait un nœud au bout, puis on pousse doucement la chair à l’intérieur. Il faut que la saucisse soit ferme, mais pas trop : si elle est excessivement tendue, le boyau risque de se déchirer. Pour faire un chapelet, il suffit de pincer le boyau à l’extrémité de la future saucisse, le tourner dans un sens, puis dans l’autre. Certains utilisent de la ficelle, mais je n’aime pas trop mettre des éléments non comestibles dans ma cuisine. Quand vos saucisses sont prêtes, stockez-les bien à plat, au frigo, pendant une nuit, mais sans couvrir ! Car le boyau doit légèrement sécher. Idéalement, mangez vos saucisses le lendemain. Faites-les revenir quelques minutes à la poêle, et finissez la cuisson au four si vous avez utilisé des boyaux de porc.

Au fait, pourquoi les saucisses sont préparées en chapelets ?
Les chapelets permettent de façonner des portions prêtes à être emballées ou à suspendre sur les fameux crochets de boucher. Les saucisses sont aussi moins fragiles grâce à cette méthode : à la cuisson, la chair ne risque pas de sortir par les extrémités. Mais ce n’est pas la seule façon de faire. La saucisse au couteau, par exemple, n’est généralement pas préparée en chapelet.

Le kit du parfait petit saucissonneur ?
Un poussoir horizontal pour l’embossage, des boyaux au sel qu’on peut acheter chez un boucher ou un charcutier, et un pique à saucisse – mais c’est optionnel.

Embosser ses saucisses sans matériel particulier, c’est possible ?
Certains façonnent leurs saucisses avec une poche à douille, mais il faut s’armer de patience ! Il s’agit alors de placer une douille pas trop étroite à l’extrémité du boyau, puis d’appuyer sur la poche pour faire sortir la chair, tout en tirant sur le boyau pour la répartir de façon homogène.

Et si on mange végi, les saucisses, c’est forcément banni ?
Il existe des boyaux en cellulose ou à base d’algues, comme alternatives aux boyaux de porc ou de mouton. Mais je ne rentrerai pas dans le débat de la saucisse végétarienne, qui m’échappe complètement. Honnêtement, je n’en ai jamais mangé de bonnes…

Et la saucisse au poisson, c’est encore de la saucisse ?
Si on prend la définition d’une saucisse, soit un boyau fourré de chair assaisonnée, alors la saucisse au poisson en est bien une ! J’ai tenté plusieurs fois le coup avec le resto La Boîte à Sardine, à Marseille. On a collaboré sur des saucisses à base de sardines fraîches, avec du fenouil, du citron confit, de la coriandre et une farce fine de volaille. C’est magique !

Quel est le secret d’une bonne andouillette ?
L’andouillette est un produit délicat, qui nécessite un vrai savoir-faire. Sa préparation est très chronophage : il y a d’abord un gros travail de nettoyage, puis d’assaisonnement, et enfin d’embossage, qui ne peut être fait qu’à la main – cette étape est trop méticuleuse pour se permettre un embossage mécanique. L’andouillette est préparée avec des tubes digestifs de porc, du vin blanc, des aromates, des épices et du sel. On y ajoute parfois de la fraise de veau, la membrane qui entoure l’intestin grêle de l’animal. C’est son odeur que certains jugent repoussante…

Et le boudin noir, la fameuse saucisse au sang, on l’apprivoise comment ?
J’imagine que ça dépend de l’enfance qu’on a eue…Pour ma part, le boudin a toujours fait partie de mon alimentation ! Si on a des appréhensions, il est peut-être plus facile à apprivoiser bien grillé, avec des pommes rôties au miel, des oignons, des grenailles au four et un jus de viande légèrement vinaigré.

La knack est-elle vouée à rester tout en bas de l’échelle ?
La knack ? Sûrement pas ! C’est un super produit, à condition qu’elle soit artisanale et bien faite. Mayalen Zubillaga, par exemple, a publié une magnifique recette de knack dans son livre La saucisse maison, dix façons de la préparer – que je conseille d’ailleurs à celles et ceux que le sujet intéresse. La knack est une spécialité alsacienne à base de bœuf et de porc. C’est une charcuterie à pâte fine, légèrement fumée au bois de hêtre, ce qui explique sa couleur. Moi, je la mets tout en haut de l’échelle, elle fait partie de mes saucisses préférées !

Saucisse-purée, couscous-merguez… Certains plats à base de saucisse sont mythiques. Lesquels mériteraient d’être plus connus ?
Je dirais le saucisson brioché et l’omelette au brocciu et figatellu – une omelette à base de fromage et saucisson corses. Mais rien ne vaut, à mes yeux, le réconfort de la saucisse-purée !

Une question philosophico-charcutière, maintenant : la saucisse est-elle universelle ?
C’est effectivement un produit universel, tout simplement parce que la saucisse a été inventée pour éviter le gaspillage et prolonger la vie de la viande. Elle est ensuite devenue l’un des ingrédients emblématiques de la street food internationale, et en France, elle a fait à elle seule la réputation de certaines villes – Strasbourg, Toulouse, Montbéliard… Sans oublier que c’est la star des barbecues. Et puis, faire sa propre saucisse rend heureux ! Pas étonnant que chaque culture ait créé une saucisse qui lui ressemble. De toutes les formes, de toutes les tailles, avec des assaisonnements très variés, des idées saugrenues parfois…En fait, tout est possible, tant qu’on a des boyaux et un peu d’imagination.

Enfin, pour ou contre l’entrée de la fricadelle au panthéon des saucisses ?
Je crois qu’elle est majoritairement industrielle aujourd’hui, tout en étant historique, elle aussi ! Il faudrait que j’essaye d’en préparer… Les produits de snack, servis avec des frites, auront toujours mon attention !

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