Un bortsch au porc en sous-sol chez Pervak : sueurs garanties !
Des effluves de betterave s’échappent de cette taverne en plein centre de Kyiv, à la déco surprenante : murs de pierre, tables en chêne et têtes d’animaux empaillés aux murs. D’emblée, un alcool au citron à 38 degrés vous est servi, généreusement. Après un second verre de cette liqueur au goût amer, la commande part en cuisine : un bortsch au porc (le meilleur de la ville selon nos contacts) et un palianytsia, pain au levain fourré d’un mélange de légumes, crème fraîche et girolles. Les premières bouchées pourraient évoquer des pâtes à la crème de girolles mais sa consistance, plutôt un plat montagnard. Quant à la star de la soirée, le fameux bortsch : un sans-faute. La betterave n’étouffe pas les autres légumes (carottes, oignons rouges, pommes de terre), et le porc s’effiloche tout seul. « L’aneth adoucit ! », s’amuse Sofia, la jeune serveuse, en nous voyant transpirer. Les tables sont pleines, composées d’une majorité de femmes, les hommes étant au front pour la plupart. La musique est à fond, et elles enchaînent les shots de vodka entre d’immenses fous rires. « J’ai des vins d’Odessa, de Kharkiv et de Bordeaux ! », lance fièrement le sommelier, Slavi, dix-sept ans de bons et loyaux services ici. La visite de la cave, lunaire, nous permet de constater que des bouteilles de pauillac 2014 sont en effet disponibles. Hors budget pour ce soir.
Pervak, Rohnidynska St, 2, Kyiv

Le traditionnel bortsch à la betterave et au porc de Pervak, à Kyiv, le 26 juillet 2025.
© Pierre Terraz
Sur la plage de Kyiv, rien de mieux qu’un bon vieux pique-nique.
Vous ne rêvez pas ! En plein été, toutes les plages de Kyiv sont prises d’assaut. Ce vendredi soir de fin juillet, il fait presque 30 degrés, et l’on se baigne dans le Dnipro, malgré des fumées noires qui se dégagent des immeubles bombardés à quelques kilomètres. Scène surréaliste. Le restaurant de la plage, My Island, conseillé par des habitant·es du coin, n’a de recommandable que son emplacement, mais il a au moins le mérite d’exister. Après les pâtes carbonara et la salade au poulet, on se dit que la prochaine fois, ce sera pique-nique sur le sable. Un bout de serviette, du saucisson et du fromage de brebis ukrainien. Des femmes boivent du champagne bon marché dans des coupes en plastique, tandis qu’un maître-nageur surveille une eau plate comme une mer d’huile. Des jeunes font du skate, d’autres sautent à l’élastique du pont central. Une bouffée d’oxygène dans cette guerre interminable. Certains hommes, réformés ou en permission, profitent aussi du pique-nique. La plupart iront ensuite au Buena Vista, le bar de Maksym Leonov en centre-ville, qui avait tenu à rester ouvert durant l’offensive sur la ville en 2022, en ne respectant ni le couvre-feu ni l’interdiction de vente d’alcool. À bon entendeur…
My Island, Parkovyi Bdrige, Kyiv

Le maitre-nageur de la « Central Beach », à Kyiv, le 25 juillet 2025.
© Pierre Terraz
Les spécialités géorgiennes de Mama Manana, orgasme buccal.
La réputation de la cuisine géorgienne n’est plus à faire. Dans la plupart des pays de l’ex-URSS, les khachapuri, chaussons de pain garnis de fromage, d’œuf ou de viande, et les khinkali, raviolis à la viande, sont très appréciés des Ukrainien·nes. On les retrouve chez Mama Manana, où la cuisine change du sempiternel bortsch. Les légumes en provenance de la mer Noire, aubergines et poivrons géants, passent tout seuls, accompagnés de tonis puri, un pain sans levain croustillant et au fromage et des pkhali aux épinards. Sur la table d’à côté, une brochette d’anciens mercenaires occidentaux tatoués engloutissent des khachapuri adjarian au poulet. En dessert ? Un excellent yaourt fermenté, appelé matsoni, au miel. Et pour faire chanter tout le monde, une riche carte des vins, de la vallée de Teliani aux caves de Tbilissi. Une adresse qui confirme la réputation gastronomique des Géorgien·nes et constitue une excellente entrée en matière avant une tournée des bars.
Mana Manana, Velyka Vasylkivska St, 44, Kyiv

Les khinkali aux champignons de Mama Manana, à Kyiv, le 23 juillet 2025.
© Pierre Terraz
Au Sao Miguel, la meilleure caïpi de Kiev.
Dreadlocks et cigarette roulée sur l’oreille, Oleksandr est l’un des tenanciers de ce bar brésilien, une adresse qu’on se refile sous le manteau. Au cœur d’un quartier huppé, à quelques pâtés de maisons du ministère des Affaires étrangères, les lampions de toutes les couleurs et la musique techno détonnent. La faune du Sao Miguel ? Un mélange de hipsters, d’artistes et de quelques cadres sup en bras de chemise. « Notre lieu fait du bien à tout le monde. Depuis 2022, les gens ont besoin de sortir, qui pourrait leur reprocher ? » confie Oleksandr, en écrasant des citrons verts à la chaîne. « Je finis d’envoyer mes photos et je reprends un verre ! » lance un photographe d’agence au beau milieu de manifestant·es qui ont battu le pavé pour dénoncer une loi fragilisant la lutte contre la corruption. Le lieu bouillonne tous les soirs depuis 2021, deux mois avant l’invasion russe. Oleksandr et son associée se sont entouré·es de deux mixologues et trois serveurs, et proposent une large carte de cocktails : Pure Brazilian, Caïpirinha, Batida, Caïpiroska… Bref, la cachaça coule à flot jusqu’à 23 heures, alors que retentit une sirène signalant une attaque de drones russes. Certains fougueux s’engouffrent à la hâte dans un taxi, direction le K41, mythique club logé dans un immeuble du XIXe siècle du quartier de Podil, qui ferme ses portes à minuit, couvre-feu oblige. S’enivrer, pour oublier quelques heures ce conflit injuste et insensé. Depuis février 2022, l’Ukraine dénombre plus de 400 000 soldats blessés ou morts au combat.
Bar Sao Miguel, Mykhailivs’ka St, 24A, Kyiv. Ouvert tous les jours, de 16 heures à 23 heures.

Les nuits à facettes du restaurant Pervak
© Pierre Terraz
Reporter tout terrain et amateur de bonnes ripailles, Paul Boyer savoure – puis retranscrit – les histoires de celles et ceux qu’ils rencontrent. De l’Ukraine à la Birmanie, en passant par la Sierra Leone et Haïti, les barrières linguistiques et culturelles s’évaporent délicatement autour d’un bon gueuleton. Ce qu’il chérit par-dessus tout ? Retourner chez lui, au Pays basque, engloutir un axoa de veau, accompagné de ses proches et d’un verre d’irouléguy.