Comment êtes-vous devenue sommelière ?
Ce n’est pas ma formation, je ne viens pas du milieu de la restauration branchée et je n’avais même jamais composé une carte des vins toute seule avant d’arriver au Rigmarole ! Je suis une femme, immigrée et piercée, mais aucun stéréotype associé à mon identité ne m’a empêchée de choisir ma voie. Quand j’ai rencontré Robert Compagnon et Jessica Yang (tauliers du Rigmarole, NDLR), j’ai tout de suite su qu’on allait travailler ensemble. J’ai accepté avant même d’avoir goûté leur cuisine. C’était une évidence.
Qu’est-ce qui caractérise Le Rigmarole ?
Plus qu’un type de restaurant, le yakitori est une façon de penser responsable. Nous cuisinons tous les morceaux du poulet, nous veillons à l’origine des produits, nous participons à Action contre la faim… Notre devise, c’est la communication et la transparence. Tout le personnel connaît les chiffres du jour, les barrières entre chef, propriétaire et employé sont effacées. Pendant le service, on s’appelle par nos prénoms. Je ne suis pas « la sommelière » ou « la serveuse », je suis Cris. Le lendemain de la soirée d’ouverture, pendant laquelle j’avais été très tendue, la réaction de Rob et Jess a été de me faire parler, de comprendre comment je pouvais me lâcher, être moi-même. Désormais, c’est ce que je fais quand nos clients arrivent. Je leur demande comment ils se sentent. Je veux savoir comment ils vont.
Pour vous, c’est quoi la « cuisine inclusive » ?
La cuisine inclusive, c’est un échange à tous les niveaux. Dans les restaurants avec de grandes équipes, on perd vite le sens de l’intimité. Au Rigmarole, les clients nous connaissent tous. C’est une vraie expérience d’entrer dans notre monde. On souhaite partager, commencer une conversation avec nos invités. Mais la cuisine inclusive, c’est aussi garder en tête que le vin, tous les produits, viennent de quelque part. Ne jamais oublier toutes les strates de l’alimentation. Que l’on soit agriculteur, sommelier, plongeur, fournisseur, agent…, il faut qu’on échange de manière inclusive pour prendre conscience des inégalités. Et ce n’est pas qu’une question homme-femme. Il faut avoir une conscience collective et travailler ensemble dans le respect. On fait tous partie d’un écosystème.
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Comme Crislaine, sommelière sans barrières, nombreuses sont les femmes qui pratiquent la « cuisine inclusive » et combattent les idées reçues pour qu’aucun stéréotype de genre ou d’origine n’empêche quiconque de faire ses choix.
Retrouvez-les dans la rubrique Cheffes de bande, où des femmes nous racontent comment s’imposer dans des milieux historiquement masculins.