« Allez sur Google Maps. Cherchez la Russie. Trouvez un restaurant et rédigez un avis. Quand vous l’écrivez, expliquez ce qui se passe en Ukraine. Laissez cinq étoiles – sauf si c’est une affaire appartenant au gouvernement russe, auquel cas vous pouvez n’en mettre qu’une. » Le plan de Konrad03249040 est simple. Sur Twitter, ce compte affichant une vierge équipée d’une arme antichar sur fond bleu et jaune détaille encore : « L’objectif est d’informer la population civile, à qui Poutine ment sur la guerre en Ukraine. » Retwittée par les hacktivistes d’Anonymous, la recette a fait boule de neige, criblant les critiques Google de messages pro-ukrainiens.
Go to Google Maps. Go to Russia. Find a restaurant or business and write a review. When you write the review explain what is happening in Ukraine.
Idea via @Konrad03249040— Anonymous (@YourAnonNews) February 28, 2022
C’est l’ultime symbole d’une guerre éclair qui fait aussi rage en ligne. Si les fermes à trolls de la Russie sont d’ordinaire les expertes de la narration alternative, l’extinction des réseaux sociaux et des derniers médias libres du pays par le gouvernement amène paradoxalement l’Ukraine à les battre sur leur propre terrain virtuel. À l’image du président Zelensky, devenu une icône mondiale en quelques vidéos, et des mèmes brossant le pays attaqué dans le sens du poil, les récits de citoyen·ne·s défendant leur patrie sont encensés sur Facebook, Twitter et Instagram.
Dans le même élan, partout dans le monde, des utilisateur·rice·s se sont donc mobilisé·e·s pour poster des avis sur Google Reviews. « Je rédige des critiques dans des petites villes, pour que les gens qui n’ont pas accès à l’actualité soient informés de la situation », explique un certain MekkerMuis. Un autre Twittos blazé SparklayBarclay annonce : « Je viens de critiquer 20 restos à Moscou. Puisque j’ai le niveau “guide local”, mes avis vont remonter en premier. »
La Russie envahit l'Ukraine sans raison, déplaçant et tuant des civils, et en mentant à vous, ses citoyens.
Capture d'écran Google
Les opérations de résistance ont beau faire partie de l’histoire des guerres, la lutte contre la censure et la désinformation à l’aide des outils Google est une nouveauté. En parallèle des critiques de restaurants, des internautes modifient leur bio Tinder pour y partager des descriptions des attaques russes, tandis que l’application ukrainienne Reface, permettant de créer des deepfakes en apposant son visage sur le corps d’une célébrité, s’est mise à envoyer des notifications push. Derrière le message « Russia has invaded Ukraine », les utilisateur·rice·s peuvent avoir accès à des informations sur le conflit.
Mais la stratégie des avis éclairés n’a pas échappé à l’autre œil de Moscou : Google. Devant l’afflux de contributions dans la même zone, le géant a annoncé mettre en place des « protections complémentaires pour modérer et limiter le contenu qui enfreint [sa] politique, en bloquant temporairement les nouveaux avis, photos et vidéos dans la région ». Si bien qu’aujourd’hui, la plupart des messages résistants ont déjà disparus de la plateforme. La technique du cheval de Troie planqué dans une assiette de bortsch n’aura pas fait long feu.
