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Les restos parisiens en formule olympique

Alors que la capitale se prépare à accueillir quelque 15 millions de touristes pour les Jeux olympiques et paralympiques 2024, les marathonien·nes de la restauration se demandent à quelle sauce ils et elles vont être mangé·es. La préfecture de police et la mairie de Paris donnent quelques réponses au Fooding.

  • Date de publication
  • par
    Madeleine Kullmann
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La Fontaine de Mars (Paris)

© Delphine Constantini

Admirer le gratin sportif mondial accomplir l’exploit d’une vie, avant de s’attabler à la terrasse d’un bistrot parisien sous un soleil quasi-californien… Une image d’Épinal de la capitale pour les 15,3 millions de personnes attendues aux JO parigots, du 26 juillet au 11 août – puis du 28 août au 8 septembre pour les paralympiques. Moins évidente en revanche pour les restaurateur·rices du coin, qui peinent à anticiper ce qui va tomber sur le leur, de coin. D’autant plus que le Premier ministre Gabriel Attal a annoncé, le 24 mars dernier, faire passer le plan Vigipirate au niveau « Urgence attentat ». Avant cela, la Ville avait déjà prévu de marquer des zones bleus, gris et rouges en fonction de la proximité avec les lieux de compétition des JO. Dans celles-ci, la circulation sera fortement restreinte, ou même interdite. Un dédale de couleurs dans lequel les patron·nes de restaurants peinent à s’orienter : les livraisons vont-elles aussi devenir des épreuves olympiques ? Contactée par le Fooding, la préfecture de police de Paris assure que des dérogations seront accordées, et des créneaux de livraison proposés « entre le début de la session sportive sur le site, et la demi-heure précédant sa fin ».

Sites olympiques et paralympiques

Sites olympiques et paralympiques

© Mairie de Paris

Coincé entre une zone bleue et une zone rouge, le boulanger Jules Poujauran, dont le fournil fournit plusieurs tables, a quant à lui prévu d’avancer ses heures de cuisson « pour livrer plus tôt, vers minuit, 1 heure du matin, et éviter les restrictions liées à la circulation ». Du côté de la mairie de Paris, l’adjoint au commerce Nicolas Bonnet-Oulaldj assure travailler avec la préfecture et d’autres partenaires à l’élaboration d’une « cartographie en temps réel, pour indiquer les flux dans Paris, et faciliter les livraisons, à laquelle tout le monde pourra accéder ». Si tout semble donc mis en place par les pouvoirs publics pour que Paris soit une fête jusque dans les assiettes, certaines inconnues demeurent cependant.

Métro, boulot, rando

« Il ne faut pas avoir peur de faire un peu de marche, c’est bon pour la santé ! » répondait la présidente de la région Île-de-France Valérie Pécresse lors d’une conférence de presse le 25 mars dernier, face aux inquiétudes des travailleurs devant utiliser les transports en commun pour se déplacer pendant les Jeux. Si cette part de la population n’est pas ravie à l’idée d’acheter un billet de métro dont le prix aura quasi doublé, passant de 2,15 à 4 € selon le site d’Île-de-France mobilités, pas sûr qu’elle accepte la marche à pied pour autant. Alors, pour éviter à ses employé·es extra-muros de se lever aux aurores, Charles Ganem, proprio de l’enseigne de smash burgers Dumbo (à Pigalle et du côté des Grands Boulevards), se demande s’il ne va pas devoir les loger. Impensable pour Moïse Sfez, à la tête de la chaîne Homer : « Proposer une solution de logement à Paris à ce moment de l’année, c’est complètement fou vu les prix… S’il faut payer des taxis, on le fera – comme on l’a déjà fait. »

Dumbo (Paris)

Dumbo (Paris)

© Felix Dol Maillot

Au-delà de la question des déplacements des employé·es, se pose celle de l’ensemble des travailleurs parisiens, d’ores et déjà invité·es à rester chez eux par une campagne d’affichage initiée par le gouvernement. « Pour gagner du temps pendant les Jeux, l’important c’est de télétravailler » : un slogan pas forcément du goût des restaurateur·rices, qui craignent l’absence de leurs habitué·es et client·es du déjeuner. Christiane Boudon, aux commandes de La Fontaine de Mars, du Café de l’Alma et du Petit Lutetia sur la rive gauche, s’inquiète : « Le secteur de la restauration ne peut pas télétravailler (…) Tout le monde fout le camp dans le quartier. Les gens s’enfuient, les bureaux ferment (leurs locaux afin de privilégier le télétravail, ndlr) et tous les palaces autour de nous ont été réquisitionnés par les sponsors pour en faire leur salle à manger privée. Qu’est-ce qu’il va rester pour les indépendants comme nous ? »

Même au sein des administrations chargées de l’organisation du quotidien pendant les Jeux, la réponse n’est pas la même partout. L’adjoint à la mairie de Paris Nicolas Bonnet-Oulaldj considère ainsi qu’« on ne peut pas vouloir accueillir le monde entier et dire aux Franciliens de télétravailler. Des métiers vont devoir fonctionner pour l’accueil des touristes, c’est donc un contresens de dire aux gens de télétravailler. Il faut que l’autorité organisatrice des transports assume ses responsabilités – ce qui n’est pas le cas aujourd’hui ». Un problème de fond… qui devra attendre la fin des Jeux pour être abordé.

La rançon du succès

L’été dernier, Folderol, ce bar à vins et glaces tenu par Robert Compagnon et Jessica Yang, avait défrayé jusqu’à la chronique américaine après que son trottoir du 11e parisien a été envahi par des hordes de touristes-instagrammeur·ses. Au point de devoir faire appel à un vigile et placarder sur la devanture rouge, en lettres bâtons : « Pas de Tiktok. Venez pour vous amuser, pas pour prendre des photos. » Pour ces adresses qui sont d’ordinaire sur la liste à cocher des touristes de passage, les JO ravivent d’étranges souvenirs. « On a pensé à fermer, on ne voulait pas être là pendant les Jeux », confie Robert Compagnon. Folderol restera pourtant bien ouvert, principalement parce que ses employé·es préfèrent prendre leurs vacances plus tard. « On est toujours à capacité maximale l’été, avec une équipe de trois ou quatre personnes selon les jours, majoritairement anglophones, et qui ont l’habitude d’interagir avec les touristes… »

Folderol (Paris)

Folderol (Paris)

© Madeleine Kullmann

Rive gauche, Christiane Boudon espère encore une bonne surprise, malgré les événements passés : « On a eu une mauvaise expérience avec la Coupe du monde de football : les clients ne pouvaient pas accéder à notre restaurant, et on a perdu 70 % de notre chiffre d’affaires habituel. Après cet épisode, on aurait pu se dire qu’on n’allait pas ouvrir cet été, mais on est des Auvergnats… Si on ferme, c’est qu’on n’a plus les clés ! » D’autant que les Jeux peuvent aussi représenter une opportunité économique à saisir. Charles Ganem de Dumbo se réjouit d’ailleurs : « On attend cinq fois plus de touristes que d’habitude, nos menus sont déjà traduits, notre staff parle anglais, et on prévoit même d’ouvrir un nouveau resto pour bénéficier au maximum des JO… Ça va être faste, notamment pour notre business. » Son voisin de comptoir Moïse Sfez a même repensé son plan de com : « Il va y avoir plus de monde, notamment des internationaux : pour l’occasion, on lance un nouveau menu ! » Reste à élucider cette préoccupation commune : qui seront les touristes des JO ? Pour Nicolas Bonnet-Oulaldj, ils seront de « toutes les typologies, même si on attend surtout des Franciliens (87,7 % selon l’office de tourisme de Paris, ndlr), avec un pouvoir d’achat plus ou moins élevé ». Un pari donc, pour qui veut faire ses Jeux.

Après avoir poncé les bancs de Science Po, du tribunal de Nanterre et du Hasard Ludique (si, si, il y a un lien), Madeleine Kullmann est aujourd’hui en immersion au Fooding, histoire de voir ce qu’elle peut y Boire, Manger, Vivre – en phase avec sa majeure de master à Lille.

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