Souffler ses bougies d’anniversaire, ça ne date pas d’hier… mais ça ne remonte pas à la préhistoire non plus ! C’est Goethe, l’homme de lettres allemand qui, le premier, en 1802, mentionne dans ses écrits avoir soufflé des bougies (disposées sur un gâteau escargot et des bretzels), à l’occasion de ses 53 ans. Dans la France catholique, on commémorait surtout le jour de la mort des saints et non de leur naissance, diaboliquement marquée par le péché originel. Pas étonnant, donc, que ce soit l’Allemagne protestante, où les saints ne se font pas prier, qui soit l’instigatrice de ce rituel – popularisé ensuite en Europe et outre-Atlantique au cours de la seconde moitié du XXe siècle, notamment avec la laïcisation de la société. Depuis Goethe, le gâteau d’anniv’ a (heureusement) évolué : tout choco ou vanillé, joyeusement décoré ou en toute sobriété, rectangulaire et aplati ou arrondi et aérien… Pour vous filer quelques idées, on a interrogé la crème des pâtissier·ères et créateur·rices de contenus sur leurs souvenirs de marmot – et force est de constater qu’ils ont bien chopé leur part du gâteau !
Cassandra Choi Hoyt, fondatrice de Clove Bakery (Paris)
« Mon gâteau était toujours coloré, avec des décos festives dessus. Dans mes souvenirs, il symbolise la joie et la douceur de l’enfance. Comme le dit Julia Child, “une fête sans gâteau n’est qu’une réunion”. J’aime l’excitation qui l’accompagne : allumer les bougies, faire un vœu avant de les souffler, chanter “joyeux anniversaire” – pour moi, c’est la partie essentielle de la fête. Pour l’un de mes anniversaires, j’ai eu un beau gâteau aux fruits… qui m’a fait découvrir que je suis allergique au kiwi ! »
Whoogy’s
« J’avais toujours un fraisier pour mon anniversaire… C’était la spécialité de l’endroit où on avait une maison de campagne, et je suis né en avril, pour le début de la saison des fraises ! J’y ai encore droit aujourd’hui, quand je fête mon anniversaire avec mes parents. Je me souviens que pour mes vingt ans, mon frère éméché avait écrasé le fraisier pour vingt personnes : mon gâteau avait une tête un peu spéciale, avec une marque d’avant-bras en plein milieu… Aujourd’hui, avec ma compagne Margaux, on essaie de mettre la main à la pâte et de cuisiner des gâteaux d’anniversaire maison à notre fils Marius. Comme il est de juin, on choisit des recettes à base de fruits d’été, mais il n’a pas encore de gâteau attitré… »
Andrea Sham, artiste sucrée
« Mes parents commandaient souvent un gâteau à la pâtisserie du village. D’après mes souvenirs, il était plat, grand, coloré… et hyper gourmand ! Je suis née et j’ai grandi au Venezuela, pays latino-américain où les anniversaires sont une institution. J’adorais aller dans les boutiques qui vendent de la vaisselle jetable et des piñatas, et les fêtes qui suivaient : j’étais excitée par le sucre, les coups donnés à la piñata, la pluie de bonbons et de jouets qui en jaillissait et la course pour en ramasser le plus possible. Toute cette folie se terminait invariablement par un grand rassemblement autour du gâteau. Quand arrivait le fameux moment, je n’étais jamais très loin, les yeux rivés dessus… même quand il n’était pas pour moi ! »
Shirley Garrier, maman du compte The Social Kids
« Dans ma famille, on n’est pas très dessert… Le gâteau d’anniversaire, c’était plutôt un prétexte pour prendre une photo ! Le plus important, c’était la montagne de nems au porc brûlants, tout droits sortis de la friteuse, qu’on mangeait juste avant… mais dont on n’a en revanche aucune photo. Pour ma famille issue de l’immigration, l’intégration était très importante, au point de gommer tout signe de culture asiatique. Et parce qu’on ne mangeait des gâteaux que pour les anniversaires, j’ai longtemps trouvé que c’était trop sucré… J’ai commencé à aimer la pâtisserie en rencontrant Mathieu ! Mais le gâteau reste encore purement accessoire pour moi, d’ailleurs j’ai déjà oublié d’en acheter pour son anniversaire… Mathieu m’en a voulu pendant longtemps ! »
Après avoir poncé les bancs de Science Po, du tribunal de Nanterre et du Hasard Ludique (si, si, il y a un lien), Madeleine Kullmann est aujourd’hui en immersion au Fooding, histoire de voir ce qu’elle peut y Boire, Manger, Vivre – en phase avec sa majeure de master à Lille. C’est en feuilletant un album photo et en réalisant que sur la plupart des clichés, elle est attablée devant un gâteau, qu’elle a eu l’idée de cet article – pour lequel elle a également interrogé l’historienne des fêtes Nadine Cretin et l’historien de l’alimentation Loïc Bienassis. Elle les remercie pour leur expertise.