N’étant pas un grand amateur de bonne bouffe, me contentant de plats « du pauvre » basiques, et étant un McDo addict (voire un Fat Burger addict à L.A., encore meilleur qu’In&Out), je ne me pose pas comme critique culinaire et me garde de donner mon avis sur un sujet qui ne me passionne pas plus que cela. La grande cuisine me fait chier (même si elle me surprend parfois et que je reconnais son art) comme la mode, dont les vêtements importables coûtent un rein ; le prix à payer par gramme de protéine me coupe l’appétit avant même que je commence à saliver, sans compter l’inévitable snobisme des bonnes bouches, et notamment celles des hipsters, élus d’un monde fermé que seule une élite peut comprendre et apprécier.
Je ne connais que quelques cantines à Belleville ou dans certains quartiers populaires, et évite prudemment les lieux à la mode… C’est pourquoi j’étais heureux, la semaine dernière, quand mon ami, dit « le Gros », amateur de bonnes tables, m’a proposé de dîner à la Table, nouveau restaurant ouvert dix jours plus tôt près du marché d’Aligre, quartier de mon enfance. Le concept de la Table » ? Une cuisine à deux choix (deux entrées et deux plats) pour assurer une cuisine de haute qualité. Cuisine ouverte, table commune, très bonne ambiance, nous faisons vite amis-amis avec nos voisins, un couple d’amis du chef qui vantent l’homme et sa cuisine… Entre le poisson et le travers de porc, je choisis la viande et commande également un Coca, boisson internationale vendue partout dans le monde, mais pas à la Table… Les blagues fusent, mais je comprends. De mes quelques expériences sans Coca, je garde le souvenir qu’à chaque fois qu’il était banni d’un restaurant, la cuisine y était exceptionnelle. Qu’il s’agisse d’un petit resto du Pays basque ou d’un trois-étoiles parisien.
La nourriture n’est malheureusement pas au niveau attendu, mais qu’en sais-je ?… Mon voisin me conseille de manger le gras, ce que je fais avec le sourire, essayant de déceler la subtilité dans la graisse trop dure (comme je l’avais fait avec respect au Japon, quand j’avais eu le privilège de manger du fugu, des ailerons jusqu’au foie, moi qui n’aime pas le poisson). Le porc de la Table ne drogue pas comme le fugu japonais, mais je ferme ma gueule, mes amis sont contents de leur poisson et la soirée se passe pour le mieux. Les prix semblent corrects pour l’ambition du lieu, entre 20 et 30 € le plat, plus cher qu’un Big Mac mais moins qu’une Ferrari.
Le rideau de fer se ferme, les cigarettes s’allument, et quelques personnes restent pour la fermeture, profitant d’une discussion avec le chef autour du vin.
Très vite, une bouteille de champagne, dont je n’ai jamais entendu parler, devient le sujet de la discussion. Apparemment, ce nectar est un breuvage destiné aux dieux eux-mêmes… Me prenant pour un demi-dieu, je propose généreusement de payer ma tournée ! Grand prince, heureux de passer un bon moment avec « le Gros » et heureux de me faire de nouveaux amis à cette table commune, je suis (bien naïvement) content de fêter l’ouverture d’une enseigne de qualité. La bouteille est partagée entre nous tous : deux serveurs, quatre clients, nous-mêmes et, bien sûr, le chef. Le champagne est bon, mais je ne suis pas assez connaisseur pour apprécier la demi-coupe de liquide doré que nous buvons tout doucement, pour apprécier…
Enfin, comme dans tous les restaurants, l’addition arrive l’air de rien, apportée par l’un des serveurs avec, encore, sa coupe à la main. 850 €. Dont 600 pour la seule bouteille de champagne.
Tout à coup, le vilain arrière-goût du gras du porc me remonte et j’ai soudainement envie de vomir…
La Table promet une bonne bouffe, dans la plus grande convivialité, avec des nourritures à même d’inspirer les conversations. Une idée simple qui m’a donné envie d’être généreux à mon tour, de dépenser en confiance, assuré que l’addition n’y excéderait pas le plaisir pris. Mais à 850 € pour deux, la Table ne serait-elle pas, en fait, l’ambassade d’une cuisine populo/branchée, plus basée sur la hype que sur le partage ? Faire payer 600 € (à un client partageur !) pour une bouteille achetée 150 € au fournisseur me semble être une faute de goût doublée d’un manque de respect, qui mérite bien quelques explications avant une baffe dans la gueule…
Cher Bruno Verjus, votre cuisine n’est pas au niveau de vos ambitions. Votre lieu ne mérite pas une telle bouteille, et votre façon de la vendre ressemble à… Du vol ? De quoi rompre le charme éventuel que certains pourraient trouver à votre snobisme anti-Coca.
A ceux-là, un conseil : si vous allez à la Table, venez avec votre canette. // M.K.
Mathieu Kassovitz, acteur, scénariste, réalisateur et producteur français
Rencontré à L.A., à l’occasion du Grand Fooding Crush Paris-L.A. en avril dernier, le réalisateur/acteur Mathieu Kassovitz, grand amateur de street food, nous a envoyé dès le lendemain matin sa première « critique gastronomique »… Qui inaugure donc notre nouvelle tribune non périodique Jus de cervelle. Où il est question de Table, le nouveau restaurant du blogueur Bruno Verjus, chroniqué sur lefooding.com ici-même, d’une bouteille de champagne destinée aux dieux, d’une addition indigeste et des meilleurs burgers de L.A. N’hésitez pas à réagir sur notre page Facebook et sur Twitter.
Avis aux tribuns : si vous souhaitez poster vos « goûts de gueule » sur lefooding.com dans la rubrique Jus de Cervelle, merci d’envoyer vos textes à guide@lefooding.com Si nous sommes intéressés, nous ne manquerons pas de vous contacter.