Trouble Obsessionnel Culinaire

Traité du kimchi à l'usage des garde-mangeurs

Tout, tout, tout, vous saurez tout sur les obsessions culinaires, passions de saison, tics et TOC de bouche qui obsèdent la foufood, grâce au savoir encycoolpédique de nos expertes.

  • Date de publication
  • par
    Ella Martin-Gachot
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© Yumi Kim

Cette semaine, percez les secrets du kimchi avec Yumi Kim, serial-bocaleuse et grande prêtresse de la conservation à bulles.

En gros, c’est quoi le kimchi ?
On obtient du kimchi en salant des légumes comme le chou, le radis ou le concombre, puis en les mélangeant à de l’ail, de la poudre de piment, du poivre, du gingembre ou encore du poisson salé. La préparation est ensuite scellée dans un contenant, où elle fermente pendant un certain temps. Le kimchi est bourré de vitamines, de minéraux et de bonnes bactéries !

D’où ça vient ?
De Corée, où il y a quatre saisons très distinctes, dont un hiver particulièrement long et rude. Puisque le régime y est principalement à base de légumes, nos ancêtres ont développé cette méthode de conservation afin de pouvoir en manger toute l’année, même en plein hiver.

Quand, où et comment mange-t-on le kimchi en Corée ?
On en mange tous les jours et à chaque repas. Il peut être servi simplement avec du riz ou des nouilles, mais aussi en ragoût, en soupe, en sauce, sauté, dans des crêpes, des mandoo… En général, on le consomme plutôt relevé et acide. Chez nous, quand on a faim, on dit : « Je veux du riz chaud et du kimchi. »

Existe-t-il une seule et unique recette de kimchi ou chacun y met ce qu’il veut ?
Le kimchi varie beaucoup selon les régions, les produits locaux et les conditions climatiques, mais aussi en fonction de la saison à laquelle il est préparé et consommé. Dans les zones les plus méridionales, il contient beaucoup de sel et de produits de la mer. À l’inverse, le kimchi du Nord est généralement plus croustillant, avec un goût plus frais. Après, chaque famille a sa recette, qui se transmet de mère en fille ou de belle-mère en belle-fille. David Zilber, l’ancien cerveau de la fermentation au Noma, dit que le kimchi est sonmat. Ça signifie qu’il a « le goût de la main ». Deux kimchi préparés le même jour et avec les mêmes ingrédients n’auront pas la même saveur en fonction des personnes qui les auront faits.

Et ta recette, c’est laquelle ?
Je prépare mon kimchi assez simplement, comme le faisait ma mère, qui vient du Sud : des légumes, du gros sel, un mélange de bouillon d’algues, d’anchois séchés et de farine de riz, de la sauce poisson, de la purée de pommes et du gochugaru – une poudre de piment grossièrement moulue.

Peut-on vraiment faire du kimchi avec n’importe quel légume ?
Oui, j’ai lu qu’il existait près de 300 types de kimchi ! On peut s’amuser avec les légumes, mais aussi avec les assaisonnements. On crée d’ailleurs des tas de recettes originales avec du kimchi, que ce soit des burgers ou du popcorn !

Parlons pratique. C’est normal, ces petites bulles qui apparaissent dans mon bocal ?
C’est tout à fait normal, c’est le signe que le kimchi vit ! Le procédé est assez simple : au contact des légumes, le sel inhibe la prolifération des bactéries nocives pour l’organisme, tout en favorisant la reproduction de celles qui sont bénéfiques à la fermentation. Au cours de ce processus, il se forme des acides aminés et des acides lactiques qui donnent ce goût et cette texture uniques aux aliments, et permettent de les conserver plus longtemps. Bref, quand vous préparez du kimchi, ne remplissez votre contenant qu’à 70 ou 80 % de sa capacité, afin que le jus présent dans le bocal ne déborde pas sous la pression du gaz produit par la fermentation. Pour éliminer le gaz, il suffit simplement d’ouvrir, puis de refermer le couvercle.

Faut-il garder son kimchi au frigo ?
Oui. L’idéal, c’est une température entre 0 et 4 °C. Plus chaud, le kimchi fermente trop rapidement. Plus froid, le légume congèle, ce qui le rend difficile à déguster. En Corée il existe des frigos spéciaux pour le kimchi, c’est très commun. Leur température est plus basse que les frigos auxquels nous sommes habitués en France, et ils ont plus d’espace pour y stocker son kimchi !

Le kimchi a-t-il une date de péremption ?
Personnellement, je n’ai jamais vu de kimchi pourri – peut-être parce que je finis toujours mon bocal avant d’avoir atteint ce stade ! En revanche, quand il fermente un peu trop, le goût devient très acide. Mais on peut toujours le faire sauter ou le servir en soupe et en sauce, il reste très bon. En Corée, certains restaurants dont c’est la spécialité gardent leur kimchi trois voire cinq ans ! Cela étant dit, il faut rester vigilant, notamment avec le dosage en sel lors de la préparation : si vous n’en mettez pas assez, votre kimchi peut effectivement pourrir.

Le kimchi, ça arrache forcément ?
Non, pas forcément. La poudre de piment a été introduite en Corée au 16e siècle, mais la recette du kimchi sous la dynastie Joseon, fondée en 1392, mentionne uniquement des légumes marinés au sel et fermentés avec des plantes médicinales et les lies du saké et du koji. Après, la poudre de piment peut être plus ou moins relevée, et il faut toujours vérifier si elle arrache avant de s’en servir pour assaisonner son kimchi rouge.

À ce propos, quelle est la différence entre le kimchi rouge et le kimchi blanc ?
La différence réside dans le piment et l’eau. Pour obtenir du kimchi rouge, on mélange du chou avec une préparation pimentée et d’autres légumes, qui lui donnent beaucoup de goût. Le kimchi blanc se prépare comme une infusion : on place les légumes dans un sac de lin avec des épices, qu’on immerge ensuite dansde l’eau.

Pour ou contre le mariage du kimchi et du fromage ?
Pour ! Du kimchi légèrement relevé sur du comté, par exemple. À l’inverse, les fromages à forte personnalité, comme le chèvre et le bleu, s’acoquinent bien avec le kimchi blanc.

Sinon, c’est quoi ton association préférée ?
Je mets du kimchi dans mes bolos ! Avec du parmesan par-dessus, c’est très bon. J’adore aussi le marier avec du tofu, ou le servir en soupe avec des udon. Et sur une pizza, il décuple les saveurs !

Quelle autre méthode de conservation conseilles-tu aux mordus de kimchi ?
La fermentation lactique au sel, tout simplement ! Il suffit de couper et faire mariner ses légumes préférés dans une eau avec un taux de sel de 2 %. Ça modifie le goût des aliments, et c’est délicieux avec du pain et du beurre. Je pense aussi à d’autres méthodes de conservation végétale, à base de sauce soja, de vinaigre, de koji ou de nukazuke – du son de riz fermenté.

Dernière question : tu nous refiles ton bon plan kimchi ?
À Paris, j’adore celui de La Boucherie Grégoire, mais la plupart du temps, je l’achète dans des supermarchés coréens comme K-Mart ou Ace Mart.

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