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Je vous dirai les mets bleus…

Cherchez toujours, vous n’en trouverez pas cinquante, ni même une seule nuance dans votre assiette : si la nature a horreur du vide, elle ne le remplira pas pour autant avec du bleu, qu’elle ne peut pas voir en peinture – qu’il soit canard ou azur.

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  • par
    Gabriel Bertrand
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Mochis Bleu Klein par Andrea Sham

La myrtille ? C’est violet, vous le savez très bien. Le maïs Hopi ? Rebleuote. La banane de Java ? Elle tire sur le vert, puis le jaune une fois mûre. Le curaçao ? C’est l’effet d’un colorant alimentaire, le bleu brillant. Le homard breton ? Il rougit dans son jacuzzi. Bref, cette couleur primaire a beau avoir donné son nom à notre planète, elle n’est clairement pas dans son assiette. Mais est-ce uniquement parce qu’elle rappelle la pourriture, synonyme d’empoisonnement ? Morbleu !

On a longtemps cru que cette aversion était innée, se basant pour l’affirmer sur l’histoire d’un steak, reprise jusque dans les milieux scientifiques : dans les années 70, une étude états-unienne fait manger à des sujets, sous un éclairage capable de modifier la couleur des aliments, un steak d’apparence anodine. En plein milieu de la dégust’, clic ! Le steak apparaît bleu, et tout le monde dégobille… Cette expérience n’a en fait jamais eu lieu, mais il aura fallu attendre quelques décennies pour qu’elle soit enfin démystifiée. Et que la théorie sur notre prétendu dégoût atavique du bleu prenne du gros calibre dans l’aileron.

N’est pas fleur bleue qui veut

Sur Terre, moins de 10 % de la flore est bleue, notamment parce que cette couleur a une longueur d’onde courte, qui demande une énergie que les plantes réservent normalement à leur croissance. Mis à part dans les milieux aquatiques, les animaux bleus sont tout aussi rarissimes. Et depuis le XVIIe siècle, plus encore depuis l’avènement de la « nouvelle cuisine » (cocorico), on s’applique à préserver le goût et la couleur des aliments que l’on mitonne. On trouve tout de même, dans des pages qui sentent bon le renfermé, des traces de plats bleus, dont le mawmenny anglais, un ragoût de viande indigo avec de la sauge pourpre, des violettes, des bleuets, des baies ou du lichen, cuisiné au Moyen Âge. Plus récemment, dans les années 50, on servait de la purée bleue aux petits écoliers britanniques – encore eux !

Le fait est que le lien entre couleur et appétit est directement lié à l’expérience, aux associations, aux normes culturelles, aux modes – pour preuve, cette sombre folie du burger au bun noir… Plus que jamais aujourd’hui, on mange avec les yeux : les pupilles avant les papilles ! Alors, parce que le bleu kidnappe le regard, son potentiel marketing en fait rêver certains, qui s’y essaient avec du vin, du ketchup, du café… Sacrebleu ! Si la spiruline met son bleu de travail, si s’exprime le talent de quelques cordons (de la couleur de votre choix), le bleu pourrait bien finir par s’attabler, et devenir plus qu’un fromage persillé ou une cuisson pour loups-garous.

Gabriel Bertrand, alias Baston la Bâfre, Zizi-Bouffe-Tout ou Pandabruel, est un glouton qui se domine. Quand il ne graille pas le papier du sandwich pour le Fooding, il avale des kilomètres pour le Routard. En outre, il a déjà mangé son chapeau, deux fois.

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