Cheffes de bande

Zélikha Dinga, Monika Varšavskaja et le beau au service du bon

À la croisée de la fonction et de l’art, Monika Varšavskaja (Cuhnja) et Zélikha Dinga (Caro Diario) imaginent d’autres manières de (re)présenter la nourriture – carrément esthétiques et parfois totalement loufoques… Artistes de l’objet-graille, ces deux cheffes d’œuvres nous ouvrent les portes de leur atelier mental.

  • Date de publication
  • par
    Nora Bouazzouni
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Zélikha Dinga et Monika Varšavskaja

© Louisa Monlaü

Vous avez toujours eu envie de faire des assiettes qui soient à la fois belles et bonnes ?

Monika Varšavskaja : J’ai toujours été passionnée par la cuisine, c’est comme une méditation pour moi. J’ai d’abord étudié le journalisme en Estonie, d’où je viens, avant d’emménager en France, où j’ai beaucoup travaillé dans la restauration. C’étaient les débuts d’Instagram, et les restos me demandaient de photographier leurs plats pour les partager sur les réseaux sociaux. Puis je suis entrée aux Arts Déco, où j’étudie toujours en ce moment, mais c’est vraiment le confinement qui m’a donné envie de me replonger dans la cuisine. J’ai passé un été au Domaine de Boisbuchet (un centre international de recherche en design et architecture, ndlr) où j’ai rencontré le cuisiner Martin Planchaud, avec qui on a imaginé de grands banquets très visuels. J’ai ensuite continué avec des résidences au Château de la Haute Borde ou à Dame Jane. Je pense avoir été au bon endroit, au bon moment !

Zélikha Dinga : Après des études en sciences humaines et dans le cinéma, j’ai décidé d’expérimenter la vie en cuisine en travaillant dans des restos à Paris et Londres. J’ai beaucoup aimé ça, mais je me suis rendue compte que le rythme, les heures et l’ambiance étaient un peu compliqués pour moi. En cherchant un local pour ouvrir un coffee shop ou une petite sandwicherie, j’ai été approchée par une famille qui avait besoin d’une cheffe à domicile. J’avais déjà fait des petits caterings, mais c’est vraiment comme ça que je me suis lancée en tant qu’indépendante. Puis le Covid est arrivé, et j’ai commencé à vendre des cookies, à faire des pop-up… Et depuis l’année dernière, des événements plus grands où je propose une approche humble de la cuisine, très simple mais créative.

L’esthétique, c’est la priorité de vos clients ?

Z. D. : C’est dans le brief de toutes les marques, petites ou grosses, qui m’approchent : « On veut quelque chose que les gens prendront en photo. » C’est évidemment lié aux réseaux sociaux : les marques veulent que leur événement soit partagé, qu’il continue à vivre en story, au-delà du moment vécu.

Zélikha Dinga

Zélikha Dinga

© Louise Monlaü

Au point que l’image prime sur le goût ?

M. V. : Non, car l’objectif, c’est que ce soit mangé. Mon travail consiste à créer du goût et du visuel. Parfois, ce n’est pas évident… On peut avoir une sauce qui va parfaitement avec un produit, mais sur l’assiette ou le plateau, ce n’est pas forcément beau. C’est donc particulièrement gratifiant de trouver la recette parfaite en tous points. Cela et le fait de transformer quelque chose de très brut et simple en quelque chose de bon et beau.

L’innovation, c’est important dans vos métiers ?

Z. D. : C’est incessant. On travaille avec des recettes simples et connues de tous, qu’on réinvente pour montrer les aliments sous un nouveau jour. En plus, il faut souvent vite se mettre en cuisine, vite faire les tests, vite avoir des idées, pour pouvoir dire rapidement au client ce qui est faisable ou pas. Ça demande un peu de jus de cerveau, de bon sens pratique… Il y a un petit côté recherche et développement auquel je n’ai jamais eu à faire face dans la restauration classique.

Il y a des tendances fortes, en ce moment ?

Z. D. : Je dirais les aliments assez bruts, présentés en entier, les formes géométriques aussi… Une élégance sobre, minimaliste, presque austère. Un client m’a dit l’autre jour : « Je voudrais une table luxe-pauvre », ce qui illustre bien cette tendance.

M. V. : Dans le même genre brut et minimaliste, on m’a demandé récemment du « countryside chic » : des recettes à l’ancienne, avec des goûts très travaillés, mais en même temps quelque chose d’assez clean et de très visuel… J’aime ces directions nature, je trouve ça beaucoup plus excitant et ludique que la tendance gélatine ou sculpture de beurre.

Monika Varšavskaja

Monika Varšavskaja

© Louise Monlaü

C’est compliqué de satisfaire les clients tout en ayant une réflexion sur les enjeux sociétaux et environnementaux ?

Z. D. : Évidemment, pour moi, la nourriture est politique, tout est politique, mais j’essaye de le faire discrètement, en achetant principalement local, de saison, en me posant la question du gaspillage… J’essaie de rester à peu près cohérente avec ma vision des choses. Je ne suis pas une activiste, mais j’ai quand même une conscience professionnelle.

M. V. : La plupart du temps, les clients ne viennent pas nous voir pour un projet écolo ou politiquement correct. L’idée, c’est d’avoir une expérience autour de la nourriture. Mais comme on essaie de guider leurs décisions, c’est à nous de réfléchir. On ne peut pas toujours marier le goût, le visuel et l’environnement. Mais on garde en tête qu’il faut faire cet effort.


 

Des femmes qui font bouger les lignes, ça vous inspire ? Ça tombe bien, il y en a plein le programme Bold by Veuve Clicquot, qui met depuis 50 ans sous le feu des projos des entrepreneuses pleines d’audace et de créativité – dont certaines font même partie du clan Cheffes de bande ! En décembre, la maison de champagne primera une nouvelle fois les plus talentueuses d’entre elles lors d’une soirée anniversaire mémorable… Par ici pour ne rien louper !

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