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Travailleurs de la restauration : c'est (aussi) leur fête !

Petites ou grandes tables, bons ou mauvais moments à passer, rituels (plus ou moins) bien-aimés, pause ou continuité de leur train de vie déchaîné : le Fooding a demandé aux travailleur·ses de la restauration à quoi ressemblent leurs fêtes de fin d’année… Résultat, des chef·fes, un boulanger et une responsable de salle nous racontent leurs souvenirs pailletés.

  • Date de publication
  • par
    Julie Zane
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Le fameux foie gras maison de la (grand-)mère Michèle.

©Pierre-Antoine Arlot

Prononcer les mots « fêtes de fin d’année » revient généralement à convoquer quelques stéréotypes bien marketés : gros festin, grande tablée, cadeaux par milliers, le tout jamais très loin d’un sapin illuminé et d’un feu de cheminée… jusqu’à ce que la réalité pointe le bout de son nez, pas toujours aussi étincelante, mais souvent chargée d’une extraordinaire dimension sociale, toujours piquée d’une bonne dose d’imprévisibilité. Curieux·ses, on a demandé à une dizaine de travailleur·ses de la restau’ de nous conter leurs meilleurs anecdotes et rituels chéris. Sans spoiler ni retomber dans le cliché, tous·tes gravitent autour des possibilités fédératrices de la table en cette période particulière de l’année… Drôle de hasard, non ?

Morgane Souris, associée et cheffe de salle à Dandelion

« Si la période des fêtes est pour moi emblématique, c’est parce qu’on y goûte toutes ces choses qu’on ne mange pas forcément le reste de l’année. Avec mon père, ma mère – qui nous a quittés depuis – et ma sœur, on fêtait Noël avec un buffet de fruits de mer. C’était vraiment exquis, ma mère était une très bonne cuisinière… J’en ai un souvenir d’autant plus marquant qu’aujourd’hui, je suis allergique aux mollusques ! Je me suis rabattue sur les pâtés en croûte, le foie gras, etc., mais rien ne remplace le plaisir de manger ces fruits de mer que j’aimais tout particulièrement… »

Eva Jaurena et Alex Mahood, propriétaires d’Elizaberriko Etxeberria

« En 2020, on avait prévu de fêter Noël en Angleterre, puisqu’Alex est anglais… Mais les frontières ont fermé à cause du Covid, et on s’est retrouvés à la dernière minute en tête-à-tête, dans un petit appartement à Paris, tout penauds de ne pas pouvoir partir. Pour se consoler, on s’est offert une bonne côte de bœuf avec des pommes de terre rôties. C’est marrant, mais aujourd’hui, la txuleta, qui veut dire “côte de bœuf” en basque, est l’un des plats qu’on vend le plus au restaurant. Et les gens viennent de loin pour en manger ! J’imagine qu’on n’est pas les seuls à trouver ça réconfortant… »

©Eva Jaurena et Alex Mahood

Pierre-Antoine Arlot, boulanger et coproprio de Maison Arlot Cheng

« Depuis que je suis tout petit, pour Noël, on honore la tradition du foie gras maison bien poivré de ma grand-mère Michèle. Elle l’achetait directement à la ferme, via des amis dans les Landes, avec qui elle le préparait ensuite. Ils le mettaient en bocaux et le distribuaient. Il y a quelques années, j’ai voulu relancer cette tradition en ressortant des photos de famille, et en écrivant la recette avec de petites histoires de Noël dans un format journal, que j’ai fait imprimer en une cinquantaine d’exemplaires pour toute la famille. Cette année, on a élargi la tradition, puisque notre cheffe Louise Dumas a préparé un foie gras assaisonné au poivre de Timut et whisky tourbé, accompagné d’une compotée de coings, qu’on propose à toutes les familles des équipes et à nos clients pour les fêtes. »

Pieter Clement, chef et créateur de Pieter

« Il y a quelques années, je cuisinais pour des enfants placés au foyer d’accueil De Steiger à Coxyde, en Belgique. On leur préparait un repas fait maison avec des ingrédients frais, et pour une fois, les enfants pouvaient choisir le menu ! La première année, on a fait de la dinde avec une purée de pommes de terre, et la suivante, des boulettes à la sauce tomate. Je m’étais engagé parce que selon moi, cette période doit aussi être une fête pour les moins privilégiés. Pour ces enfants, c’était la plus belle soirée de l’année, et il faut dire qu’ils m’offraient toujours un très beau dessin et une bouteille de vin… »

Erika Blu, fondatrice et cheffe d’Atelier Renata

« À Noël, avec ma famille, on a toujours mangé une lasagne des Pouilles, dont mon père est originaire, cuisinée avec des œufs, de la sauce tomate, de la mozzarella, du parmesan et… de minuscules, minuscules boulettes, cachées entre chaque couche de lasagna. Quand j’étais petite, je les faisais avec ma grand-mère. C’était un rituel vraiment fastidieux, qui nous prenait toute une journée, et finissait par nous faire perdre la tête. Un cauchemar qui finissait avalé en dix minutes… »

© Erika Blu

Pierre Touitou, fondateur et chef de 19 Saint Roch

« Ça fait maintenant un moment que je ne suis plus au restaurant les 24 et 25 décembre, mais j’ai longtemps travaillé les jours de fête… Il y a une quinzaine d’années, quand j’étais en apprentissage au Plaza Athénée, on avait acheté des bonnets de lutin sur les marchés de Noël l’après-midi et on avait fait le service du soir avec, à la place de nos toques. »

Linda Granebring, cotaulière et cheffe d’Åke

« Préparer la brioche de la Sainte-Lucie me tient particulièrement à cœur, parce qu’elle me transporte dans une atmosphère très familiale, pleine d’odeurs nostalgiques. Chez moi, en Suède, on la fait uniquement pendant la période comprise entre le 13 décembre, soit le jour de la Sainte-Lucie, et Noël. C’est une brioche très parfumée au safran, en forme de « S », avec un raisin sec à chaque extrémité. On en trouve dans les cafés, mais c’est surtout une tradition qu’on honore à la maison, avec les enfants. Quand j’étais petite, on en faisait tous les ans avec ma petite sœur et ma maman, et encore aujourd’hui, j’en prépare pour moi si j’ai le temps. J’ai même mis la recette dans mon livre de cuisine Äta, äta, ma cuisine suédoise. »

© Linda Granebring

Johann Barichasse, chef des Rigoles

« Dans la religion juive, les fêtes les plus marquantes ont toutes une symbolique liée au repas, mais elles n’ont pas spécialement lieu en hiver. Pour la rupture du jeûne à Yom Kippour, généralement en octobre, on avait l’habitude de s’attabler chez ma grand-mère. Tous les ans, elle nous cuisinait à la perfection la même chose, tout en continuant de se demander si cette fois-là, ça allait être réussi… Alors, la fois où elle a préparé un poulet au coing pas terrible, on en a fait un running gag, en lui demandant chaque année si elle allait nous le resservir… Je ne sais même pas si mon frère et moi avons déjà goûté ce poulet ou si c’est juste une légende familiale, mais on s’attendait quand même tous les ans à le voir redébarquer… avant d’avoir finalement un délicieux poulet aux amandes sur la table, que je tuerais pour remanger maintenant. »

Tsuyoshi Yamakawa, chef de Double

« Dans mon pays, le Japon, décembre est très chargé avec les fêtes qu’on appelle Bōnenkai. Elles n’ont aucune signification religieuse et peuvent avoir lieu n’importe quel jour du mois : on les organise entre amis, collègues ou amours pour oublier les difficultés rencontrées pendant l’année. Pour l’occasion, on cuisine un donabe, composé d’un bouillon et d’ingrédients de saison. Ma version préférée est le chanko nabe, avec du poisson et du poulet. La préparation est très simple, donc tout le monde peut participer, ce qui rend le repas encore meilleur ! Parfois, on le fait même suivre d’un petit karaoké… Ma Bōnenkai la plus mémorable a été celle que j’ai fêtée ici, en France, avec mes amis japonais, et qui nous a donné l’impression de retrouver nos racines, même en vivant à l’étranger… »

Grailleuse discrète mais redoutablement efficace, Julie Zane croque les reustas et l’info pour le Fooding, en alternance de son master « Boire, Manger, Vivre » (tout un programme…) à Sciences Po.

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